Il y a des moments dans la vie où on a envie de repousser ses propres limites, surtout quand on fait du développement personnel, qu’on veut prendre confiance en soi et valser avec ses propres peurs. A vrai dire, depuis que j’ai commencé cette démarche il y a deux ans, l’idée à commencé à me trotter dans la tête, pour ne plus me quitter. Et quand une idée me trotte dans la tête depuis si longtemps, c’est que je dois la mettre à exécution.
Du coup j’ai profité de WES (un séminaire de confiance en soi et de leadership sur 3 jours) pour prendre ma décision. C’était décidé, dans le mois (mai), je saute, that’s it. Et quand je prends une décision, je ne lâche rien. Ceux qui me connaissent savent pourtant à quel point je balise sur un escabeau pour changer une ampoule : oui, j’ai un vertige de malade, et j’ai tendance à éviter les manèges à sensations fortes. Même il y a de cela trois ans, je me souviens avoir dit à ma copine de l’époque « Ne m’offre JAMAIS de saut en parachute, je ne pourrais JAMAIS sauter du haut d’un avion avec mon vertige ! ». Mais je voulais me mettre au défi, donner naissance enfin à cette Amélie 2.0 qui commence à avoir un léger retard de livraison … ça patche sévère, il y en a eu du chemin parcouru depuis, et je peux en être fière, mais ce n’est pas encore ça. Bref, rentrée de mon séminaire, je cherche l’aérodrome le plus proche (Aix-les-milles) et prends rendez-vous pour le 20 mai. Haut les coeurs.
Le 18 mai, je passe chez le médecin pour réaliser mon certificat médical, et alors que je suis dans mes petits souliers, lui se montre peu encourageant « vous n’avez jamais sauté, 4000 mètres ce n’est pas rien, je vous trouve un peu légère ! ». Sympa. Mais non, je reste ferme. Amelaye sautera le surlendemain, c’est non-négociable.
La nuit d’après, comment dire … j’ai sérieusement commencé à baliser, ne parlez pas de dormir, ça n’a pas vraiment été le cas : « Pourquoi j’ai fait ça, pourquoi j’ai fait ça … ». Et pense à toutes les issues fatales : Je fais un malaise en plein vol, pire, je fais un arrêt cardiaque en plein vol (merci docteur), aucun parachute ne s’ouvre, l’avion s’écrase … ha oui. J’ai peur en avion aussi. Le combo gagnant.
Je pars à l’aérodrome, non sans avoir fait mes adieux éventuels à mon chat. Ma mère n’en parlons pas, je ne lui ai même pas soufflé mot là-dessus. Et pendant tout le trajet, je me demande pourquoi je fais ce que je suis en train de faire. L’accueil à l’aérodrome est sympa et bon enfant, les parachutistes sont souriants et travaillent dur sur leurs pliages (j’envie leur patience). Mon moniteur s’appelle Kevin, a un fort accent britannique et je lui demande plusieurs fois de répéter car il parle vite et mon temps de réflexion sous le stress, est divisé par deux. On me fait signer une décharge comme quoi j’ai bien compris les instructions, et la personne à contacter en cas de … décès. Gloups. Oui, pour l’assurance ils sont obligés de mettre ce champ. J’enfile mon harnais, « très important, enchérit Kevin, quand l’avion est là, suis-moi surtout avant de monter, à cause de l’hélice ! ». Oops. Avant même de sauter, je peux lamentablement me changer en sushis. Pas cool. Je fais bonne figure, mais dedans je suis une vraie tempête émotionnelle … pourquoi je suis là, mais prends tes jambes à ton cou et rentre chez toi, Amélie … non, je DOIS le faire (je peux être plusieurs dans ma tête …).
L’embarquement dans l’avion est particulier, nous sommes six, deux sauteurs accompagnés chacun d’un para et d’un cameraman (j’ai pris l’option video), tous serrés les uns contre les autres dans un vieux coucou qui m’a l’air un peu branlant : « Agrippe toi plutôt au cameraman, pas à l’avion il est pas très solide ! ». Nous décollons et petit à petit, nous survolons les nuages … « Regarde, ça c’est Aix-en-Provence, là-bas c’est l’Aeroport de Marignane, là c’est l’aérodrome qu’on a quitté, et là-bas c’est Pertuis, la Durance, et là, tu vois la Sainte-Victoire … parfois on voit le Mont Ventoux mais là c’est trop couvert ». C’est joli, j’ai l’impression d’être dans une émulation de Google Maps. A 3500 mètres, je suis littéralement sur les genoux de mon moniteur, qui m’accroche bien à lui (mais dans ces moments-là, la proximité avec ton para est le dernier de tes soucis). Le rideau en plastique s’ouvre, l’air s’engouffre dans l’appareil, tout le monde se « tcheck ! », et le tandem qui est avec nous saute en premier, littéralement aspiré par le ciel. Et vient mon tour. Mais pourquoi, mais pourquoi, mais pourquoi je suis dans ce vieux coucou, j’ai les jambes dans le vide, à 4000 mètres de la terre ferme, et je ne peux plus faire marche arrière … et j’ai cette tête-là quand je réalise que Kevin va basculer :
Sans prévenir, le moniteur donne de l’élan, nous voilà à notre tour dans les airs, et là mon cerveau se met en off … pas vraiment, je me retrouve la tête en bas et les pieds en l’air un court moment avant de passer en position horizontale, et je sens la panique me gagner … mais qu’est ce qu’il se passe ? je n’ai jamais été confrontée à telle situation, mon esprit et mon corps ne comprennent pas vraiment ce qui est en train d’arriver, biiip biiiip, les alertes retentissent de toutes parts dans mon cerveau. Et là j’ai fait le pire exercice de gestion d’émotions de ma vie. « ça va bien se passer, laisse toi aller, lâche prise », c’est un combat dans ma tête, les pompiers éteignent le feu que mes neurotransmetteurs m’envoient, je me contente de bouger un minimum et me calmer, je file à 200kms/heures vers Aix, mes bras sont propulsés vers le haut, mes joues bloblotent et j’ai le souffle coupé. Il m’arrive juste quelque chose que j’appréhende un max : je n’ai aucun contrôle sur ce qu’il se passe. Hormis ça tout va bien ! Waouh ! Sourions à la caméra 😀 !
Au bout de quelques dizaines de secondes, mon moniteur me fait signe : il va ouvrir le grand parachute, et je remonte d’un trait de quelques dizaines de mètres ! Je me calme pour de bon, le rythme est pépère, je prends les commandes, je descends tranquillou, passe un coup à droite, un coup à gauche, je repère un bâtiment abandonné dans le coin, admire le viaduc d’Aix, je remarque The Camp. Kevin m’explique que le temps se gâtent et que c’est déjà arrivé (pas à Aix mais ailleurs), par temps orageux que des parachutistes meurent, aspirés par les strato-cumulus. Ok. Il fait bien de me le dire une fois pas trop haut. Il reprend les commandes « tu te souviens de ce que je t’ai dit ? ». Voui. Au moment d’atterrir je lève les pieds, pour éviter qu’on perde l’équilibre.
Un peu groggy et les jambes tremblantes je me remets de mes émotions. Yes, au fond j’ai kiffé, même si l’émotion était bien bien là. Satisfaite de moi, je me sens … unstoppable. Et depuis, je me dis que si j’ai été capable de sauter à 4000 mètres, je peux faire bien de belles autres choses … comme faire un guili à une araignée ? (nan, plus tard, ça)